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ARCHIPEL DES GALAPAGOS.

somme, les appeler des alligators en miniature. » Il ne faut pas penser, cependant, qu’ils se nourrissent de poissons. Ce lézard nage avec la plus grande facilité et avec beaucoup de rapidité ; il s’avance en imprimant à son corps et à sa queue aplatie une espèce de mouvement ondulatoire ; pendant qu’il nage, les pattes restent immobiles et étendues sur les côtés. Un matelot attacha un gros poids à un de ces animaux pour le faire couler, pensant ainsi le tuer immédiatement ; mais quand, une heure après, il le retira de l’eau, le lézard était aussi actif que jamais. Leurs membres et leurs fortes griffes sont admirablement adaptés pour leur permettre de se traîner sur les masses de lave rugueuse et pleine de fissures qui forment toutes ces côtes. À chaque pas, on rencontre un groupe de six ou sept de ces hideux reptiles, étendus au soleil sur les rochers noirs, à quelques pieds au-dessus de l’eau.

J’ai ouvert plusieurs de ces lézards ; leur estomac est presque toujours considérablement distendu par une plante marine broyée (Ulvæ) qui pousse sous forme de feuilles minces vert brillant ou rouge sombre. Je ne me rappelle pas avoir vu cette plante marine en quantité quelque peu considérable sur les rocs alternativement découverts ou recouverts par la marée ; j’ai plusieurs raisons de croire qu’elle pousse au fond de la mer à une certaine distance de la côte. S’il en est ainsi, on s’explique facilement que ces animaux aillent en mer. L’estomac ne contenait que cette plante marine. Cependant M. Bynoe a trouvé un morceau de crabe dans l’estomac d’un autre de ces lézards, mais il a pu se trouver là par accident, de même qu’une chenille trouvée par moi au milieu de quelques lichens dans l’estomac d’une tortue. Les intestins sont grands comme chez les autres animaux herbivores. La nature des aliments de ce lézard, la conformation de sa queue et de ses pattes, le fait qu’on l’a vu volontairement se mettre à l’eau, prouvent absolument ses habitudes aquatiques ; il présente cependant sous ce rapport une étrange anomalie : quand il est effrayé, il ne va pas se jeter à l’eau. Aussi est-il très-facile de chasser ces lézards jusque sur un endroit surplombant la mer, où ils se laissent prendre par la queue plutôt que de sauter dans la mer. Ils ne semblent même pas avoir l’idée de mordre ; mais quand ils sont très-effrayés, ils lancent de chaque narine une goutte d’un fluide quelconque. J’en jetai un plusieurs fois de suite, aussi loin que je le pus, dans un étang profond qu’avait laissé la mer en se retirant ; il revint invariablement en ligne droite à l’endroit où je me tenais. Il nageait près du fond, ses