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BAIE DES ÎLES.

lages composés de maisons carrées, propres, descendent jusqu’au bord de l’eau. Dans le port, nous voyons trois baleiniers, et, de temps en temps, un canot passe d’un point à l’autre de la côte. À ces exceptions près, la tranquillité la plus complète semble régner sur le pays tout entier. Un seul canot vient à notre rencontre ; cette solitude et, en un mot, l’aspect de la scène entière, forment un contraste frappant et peu agréable du reste avec le joyeux accueil qui nous avait été fait à Taïti.

Nous nous rendons à terre dans l’après-midi ; nous débarquons auprès d’un des groupes les plus considérables de maisons, groupe qui mérite à peine le nom de village. Ce village s’appelle Pahia ; c’est la résidence des missionnaires et on n’y trouve aucun indigène, sauf des domestiques ou des ouvriers. Il y a en tout 200 ou 300 Anglais dans le voisinage de la baie des Îles ; tous les cottages, dont la plupart sont blanchis à la chaux et paraissent fort propres, sont la propriété des Anglais. Les huttes des indigènes sont si petites, si insignifiantes, qu’il faut être sur elles pour les apercevoir. Quel charme de retrouver à Pahia les fleurs anglaises qui ornent les jardins devant les maisons ! On y voit des roses de plusieurs espèces, du chèvrefeuille, du jasmin, des giroflées et des haies entières d’églantiers.

22 décembre. — Je vais faire une promenade dans la matinée, mais je m’aperçois bientôt qu’il est impossible de parcourir le pays. Toutes les collines sont recouvertes par d’immenses fougères et par une plante qui ressemble au cyprès et qui forme de véritables fourrés ; on n’a jusqu’à présent défriché et cultivé que fort peu de terrain. J’essayai de parcourir le bord de la mer, mais là encore, de quelque côté que je dirigeasse mes pas, j’étais bientôt arrêté par des criques d’eau de mer ou par de profonds ruisseaux. Tout comme à Chiloé, les habitants des différentes parties de la baie ne peuvent guère communiquer qu’en bateau. Je remarque avec quelque surprise que presque toutes les collines ont été autrefois plus ou moins fortifiées. Le sommet est disposé en degrés ou en terrasses successives, fréquemment défendu en outre par un profond fossé. J’observai plus tard que les principales collines de l’intérieur ont pris aussi cette forme artificielle sous la main des habitants. C’est ce qu’on appelle les pahs, dont le capitaine Cook parle assez souvent sous le nom de Hippah ; cette différence d’appellation provient de ce que, dans le second cas, l’article est ajouté au substantif.