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ILES DE CORAIL.

On me demandera peut-être si je peux donner une preuve directe de l’affaissement des récifs barrières ou des attols ; il faut se rappeler à cet égard combien il est difficile de remarquer un mouvement dont la tendance est de cacher sous l’eau la partie affectée. Néanmoins, à l’attol de Keeling, j’ai observé tout autour du lagoon de vieux cocotiers minés par les eaux et sur le point de tomber ; dans un autre endroit, j’ai vu les fondations d’une grange qui, d’après les habitants, était, il y a sept ans, juste au-dessus de l’atteinte de la marée haute, et qui sont actuellement recouvertes d’eau à toutes les marées ; j’ai appris, en outre, que, pendant les dix dernières années, on a ressenti ici trois tremblements de terre dont l’un a été fort grave. À Vanikoro, le canal est remarquablement profond ; il s’est accumulé très-peu de terrain d’alluvion au pied des hautes montagnes et fort peu d’îlots se sont formés sur les récifs qui l’entourent ; ces faits, et quelques autres analogues, m’ont porté à croire que cette île a dû dernièrement s’affaisser et le récif s’élever ; ici encore les tremblements de terre sont fréquents et très-violents. D’autre part, dans l’archipel de la Société, où les canaux sont presque encombrés, où beaucoup de terrains d’alluvion se sont accumulés et où, dans quelques cas, de longs îlots se sont formés sur des récifs — faits qui prouvent que ces îles ne se sont pas récemment affaissées — on ressent très-rarement des tremblements de terre et ils sont extrêmement faibles. Dans ces îles de corail, où la terre et l’eau semblent incessamment se disputer la victoire, il sera toujours très-difficile de décider entre les effets d’un changement dans la direction des courants et ceux d’un léger affaissement. Il est certain que beaucoup de ces récifs et de ces attols sont soumis à divers changements ; sur quelques attols les îlots semblent s’être considérablement accrus récemment ; sur d’autres, les îlots ont été enlevés en partie ou en totalité. Les habitants de certaines parties de l’archipel des Maldives se rappellent l’époque de la formation de quelques îlots ; dans d’autres endroits, les Polypes vivent aujourd’hui sur des récifs lavés par les lames et où, en creusant des tombes, on trouve la preuve de l’existence d’une ancienne terre habitée. Il est difficile de croire à des changements fréquents dans les courants du Grand Océan ; alors que, d’autre part, les tremblements de terre qui se produisent sur quelques attols, les immenses fissures que l’on observe sur d’autres, indiquent clairement des changements et des troubles perpétuels dans les régions souterraines.