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RIO DE JANEIRO.

et finit par lui infliger deux piqûres sur le côté inférieur du thorax. Enfin, après avoir examiné soigneusement avec ses antennes l’araignée, actuellement immobile, elle se disposa à emporter sa proie ; mais je me saisis du tyran et de sa victime[1].

Proportionnellement aux autres insectes, le nombre des araignées est ici beaucoup plus considérable qu’il ne l’est en Angleterre, peut-être même plus considérable que toute autre division des animaux articulés. La variété des espèces chez les araignées sauteuses semble presque infinie. Le genre, ou plutôt la famille des Épeires, se caractérise ici par bien des formes singulières ; quelques espèces portent des écailles pointues et coriaces, d’autres de gros tibias revêtus de piquants. On trouve tous les sentiers de la forêt barricadés par la forte toile jaune d’une espèce qui appartient à la même division que l’Epeira clavipes de Fabricius, araignée qui, selon Sloane, fait aux Indes occidentales des toiles assez fortes pour retenir des oiseaux. Une jolie petite araignée, à pattes de devant fort longues, et qui semble appartenir à un genre non décrit, vit en parasite sur presque toutes ces toiles. Elle est trop insignifiante, je suppose, pour que la grande Épeire daigne la remarquer ; elle lui permet donc de se nourrir des petits insectes qui, autrement, ne profiteraient à personne. Quand cette petite araignée est effrayée, elle feint la mort en étendant les pattes de devant, ou se laisse tomber hors de la toile. Une grosse Épeire, appartenant à la même division que les Epeira tuberculata et conica, est extrêmement commune, surtout dans les endroits secs. Cette araignée consolide le centre de sa toile, ordinairement placée au milieu des grandes feuilles de l’agave commun, par deux, ou même par quatre rubans disposés en zigzag qui relient deux des rayons. Dès qu’un gros insecte, tel qu’une sauterelle ou une guêpe, vient se prendre dans la toile, l’araignée, par un brusque mouvement, le fait rapidement tourner sur lui-même ; en même temps elle enveloppe sa proie d’une quantité de fils qui forment bientôt un véritable cocon autour d’elle. L’araignée examine alors sa victime impuissante et la mord sur la partie postérieure du thorax ; puis elle se retire et attend patiemment que

  1. Don Félix Azara (vol. I, p. 175) dit, en parlant d’un insecte hyménoptère appartenant probablement au même genre, qu’il le vit traîner le cadavre d’une araignée à travers de hautes herbes, en droite ligne, jusqu’à son nid, qui se trouvait à une distance de cent soixante-trois pas. Il ajoute que la guêpe, afin de reconnaître la route, faisait de temps en temps des « demi-tours d’environ trois palmes. »