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HABITUDES DU MOLOTHRUS.

la cécité graduellement acquise de l’aspalax, un rongeur vivant sous terre, et du protée, un reptile vivant dans de sombres cavernes remplies d’eau ; chez ces deux derniers animaux l’oeil est presque à l’état rudimentaire et recouvert d’une membrane tendineuse et d’une peau. Chez la taupe commune, l’œil est extraordinairement petit, mais parfait ; beaucoup d’anatomistes doutent cependant qu’il soit relié au véritable nerf optique ; la vision de la taupe doit certainement être imparfaite, bien qu’elle lui soit probablement utile quand elle quitte son trou. Chez le tucutuco, qui, je le crois, ne vient jamais à la surface, l’œil est assez grand, mais le plus souvent il ne sert à rien, puisqu’il peut s’altérer sans que cela paraisse causer le moindre dommage à l’animal ; sans aucun doute, Lamarck aurait soutenu que le tucutuco passe actuellement à l’état de l’aspalax et du protée.

On trouve de nombreuses espèces d’oiseaux dans les plaines verdoyantes qui entourent Maldonado. Il y a plusieurs espèces d’une famille qui, par sa conformation et ses habitudes, se rapproche beaucoup de notre sansonnet ; l’une de ces espèces (Molothrus niger) a des habitudes fort remarquables. On peut souvent en voir plusieurs à la fois perchés sur le dos d’un cheval ou d’une vache ; quand ils sont perchés sur une haie, se nettoyant les plumes au soleil, ils essayent quelquefois de chanter ou plutôt de siffler ; le son qu’ils émettent est très-singulier, il ressemble au bruit que ferait de l’air s’échappant sous l’eau par un petit orifice, mais avec assez de force pour produire un son aigu. Selon Azara, cet oiseau, comme le coucou, dépose ses œufs dans le nid d’autres oiseaux. Les paysans m’ont dit plusieurs fois qu’il y a certainement un oiseau qui a cette habitude ; mon aide, personne fort soigneuse, trouva un nid du moineau de ce pays (Zonotrichia matutina) qui contenait un œuf plus grand que les autres et ayant aussi une couleur et une forme différentes. Il y a, dans l’Amérique du Nord, une autre espèce de Molothrus (Molothrus pecoris) qui a aussi cette habitude du coucou et qui, sous tous les rapports, ressemble beaucoup à l’espèce de la Plata, même sous le rapport insignifiant de se percher sur le dos des bestiaux ; il n’en diffère que parce qu’il est un peu plus petit et que son plumage et ses œufs ont une teinte un peu différente. Cette ressemblance frappante de conformation et d’habitudes, chez des espèces représentatives habitant les deux extrémités d’un grand continent, présente toujours un grand intérêt, quoiqu’elle se rencontre fréquemment.