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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

sans vertu, dans un milieu qui n’est pas précisément aussi moralisateur que celui de l’école mixte. Soyons-en sûrs si nos antagonistes ont une seule idée sur ce sujet, ils ont étudié les salons plus que les ateliers, les mansardes et les rues ; s’ils avaient parcouru les camps de Châlons et de Saint-Maur, ces immenses bazars de chair humaine ; s’ils avaient vu cette licence et cette mollesse qui en 1870 donnèrent la nausée à l’univers entier et lui expliquèrent nos défaites ; s’ils se rendaient à la porte de nos closeries diverses pour en voir sortir au milieu de la nuit ces étudiants et ces filles avinés qui hurlent ensemble des chansons bachiques et obscènes ; s’ils prenaient enfin pour l’âme humaine cette immense pitié qu’en eurent le christianisme et le stoïcisme au milieu des orgies de l’empire romain, ils ne craindraient plus ces hommes de voir la fille du peuple autorisée à cultiver son intelligence comme l’étudiant avec lequel elle n’a le droit de cultiver que ses sens.

C’est ce contact perpétuel des parties nobles des deux moitiés de l’être humain qui inspirera au jeune homme le respect de la femme, dont son éducation lui enseigne actuellement un mépris tel qu’il nous rend insociables, tandis que le commerce contenu et poli des sexes développe l’urbanité par l’échange constant de vues, d’idées et de sentiments moraux et intellectuel : On sait que les États-Unis s’honorent en particulier des jeunes gens qui sortent de l’internat mixte d’Oberlin.

La présence des jeunes filles, même aux repas, aux promenades, aux récréations littéraires, aux conférences du salon, sous une surveillance maternelle qui dicte les convenances, impose une si grande retenue à ces adolescents qu’ils se privent même de fumer par égard pour leurs compagnes d’études[1].

Mais il faut bien se le dire, ils ne prennent ce respect de la femme dans l’éducation que parce qu’ils savent que dans leurs relations sociales la loi et les mœurs le leur imposeront, en leur disant que la raison doit vaincre la passion ; que la volonté est supérieure aux penchants et

  1. Voir le rapport de M. Hippeau.