Page:Daudet - Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon, 1872.djvu/235

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pente de l’autre berge, on voyait vaguement le sentier blanc que leurs grosses pattes avaient tracé dans les lentisques. Cette pente mystérieuse donnait le frisson. Joignez à cela le fourmillement vague des nuits africaines, branches frôlées, pas de velours d’animaux rôdeurs, aboiements grêles des chacals, et là-haut, dans le ciel, à cent, deux cents mètres, de grands troupeaux de grues qui passent avec des cris d’enfants qu’on égorge ; vous avouerez qu’il y avait de quoi être ému.

Tartarin l’était. Il l’était même beaucoup. Les dents lui claquaient, le pauvre homme ! Et sur la garde de son couteau de chasse planté en terre le canon de son fusil rayé sonnait comme une paire de castagnettes… Qu’est-ce que vous voulez ! Il y a des soirs où l’on n’est pas en train, et puis où serait le mérite, si les héros n’avaient jamais peur…