Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1873.djvu/23

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avait du monde arrêté près du petit grillage aux affiches. Depuis deux ans, c’est de là que nous sont venues toutes les mauvaises nouvelles, les batailles perdues, les réquisitions, les ordres de la commandature ; et je pensai sans m’arrêter : « Qu’est-ce qu’il y a encore ? » Alors, comme je traversais la place en courant, le forgeron Wachter, qui était là avec son apprenti en train de lire l’affiche, me cria : — « Ne te dépêche pas tant, petit ; tu y arriveras toujours assez tôt à ton école. » Je crus qu’il se moquait de moi, et j’entrai tout essoufflé dans la petite cour de M. Hamel.

D’ordinaire, au commencement de la classe, il se faisait un grand tapage qu’on entendait jusque dans la rue, les pupitres ouverts, fermés, les leçons qu’on répétait très-haut tous ensemble en se bouchant les oreilles pour mieux apprendre, et la grosse règle du maître qui tapait sur les tables : « Un peu de silence ! » Je comptais sur tout ce train pour gagner mon banc sans être vu ; mais justement ce jour-là tout était tranquille, comme un matin de dimanche. Par la fenêtre ouverte, je voyais mes camarades déjà rangés à leurs places, et M. Hamel, qui passait et repassait avec la terrible règle en fer sous le bras. Il fallut ouvrir la porte et entrer au milieu de ce grand calme. Vous pensez, si j’étais