Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1873.djvu/37

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voitures sombres sous la pluie, ces hommes groupés derrière, la tête nue, on aurait dit un enterrement.

Dans un coin, tous les drapeaux de l’armée de Bazaine s’entassaient, confondus sur le pavé boueux. Rien n’était plus triste que ces lambeaux de soie voyante, ces débris de franges d’or et de hampes ouvragées, tout cet attirail glorieux jeté par terre, souillé de pluie et de boue. Un officier d’administration les prenait un à un, et, à l’appel de son régiment, chaque porte-enseigne s’avançait pour chercher un reçu. Raides, impassibles, deux officiers prussiens surveillaient le chargement.

Et vous vous en alliez ainsi, ô saintes loques glorieuses, déployant vos déchirures, balayant le pavé tristement comme des oiseaux aux ailes cassées. Vous vous en alliez avec la honte des belles choses souillées, et chacune de vous emportait un peu de France. Le soleil des longues marches restait entre vos plis passés. Dans les marques des balles vous gardiez le souvenir des morts inconnus, tombés au hasard sous l’étendard visé…

« Hornus, c’est à toi… On t’appelle… va chercher ton reçu… »

Il s’agissait bien de reçu ! Le drapeau était là devant lui. C’était bien le sien, le plus beau, le