Page:Daudet - Jack, I.djvu/158

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attendait l’enfant à l’institution quand on apprendrait que sa mère était partie et qu’il n’y avait plus rien à espérer d’elle !

Au reçu de cette lettre sèche, succincte, impertinente à force de discrétion, Moronval eut un de ces terribles accès de colère, déréglés et fous, comme il en avait quelquefois, et qui faisaient passer dans le gymnase le tremblement, l’agitation, la consternation d’un orage sous les tropiques.

Partie !

Elle était partie avec ce va-nu-pieds, ce bellâtre cagneux, sans talent, sans esprit, sans rien. Ah ! elle en aurait de l’agrément !… Si ce n’était pas honteux, une femme de son âge, car elle n’était plus de la première jeunesse, avoir le cœur de s’en aller, de laisser là ce pauvre enfant, seul dans Paris, livré à des étrangers.

Tout en s’apitoyant sur le sort du pauvre enfant, le mulâtre avait un mauvais petit froncement de babines qui semblait dire : « Attends… attends… je m’en vais te le soigner, moi, ton Jack, et tout à fait paternellement ! »

Ce qui l’irritait surtout, c’était moins sa déconvenue de cupidité, sa revue flambée, ce dernier espoir de fortune à jamais perdu, c’était moins tout cela que le mystère insolent, défiant, dont s’entouraient ces deux êtres qui s’étaient connus par lui, chez lui, à qui sa maison avait servi d’intermédiaire. Il courut au boulevard Haussmann pour avoir des renseignements, sa-