Page:Daudet - Jack, I.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la carriole qui devait ramener de la station d’Évry le poète attendu. Elle lui fit une leçon embarrassée, pénible pour tous deux, comme s’ils eussent été complices de quelque faute impardonnable : « Tu resteras au fond du jardin, tu m’entends… Tu ne t’élanceras pas à sa rencontre… Tu attendras ; je t’appellerai. »

Quelle émotion pour Jack.

Il passa cette heure d’attente à se promener dans le verger, à guetter dans le petit chemin caillouteux, jusqu’au premier grincement de roues.

Alors il s’enfuit et, caché derrière les groseilliers, il entendit l’entrée dans la maison, sa voix à Lui, sévère, sans vibration, et la voix de sa mère encore plus douce que d’habitude. « Oui, mon ami… Non, mon ami… »

Enfin, la fenêtre de la tonnelle s’ouvrit dans le feuillage.

— Jack, monte vite… tu peux venir.

Son petit cœur battait dans l’escalier, autant d’essoufflement que de crainte ; et, dès en entrant, il se sentit mal préparé pour une entrevue aussi grave, effrayé de cette tête blafarde sur la boiserie sombre de la chaire, gêné de l’embarras de sa mère qui ne tendait même pas la main à sa timidité d’enfant.

Pourtant il balbutia un bonjour, et attendit.

Le sermon fut court, presque affectueux, cette attitude d’accusé étant loin de déplaire au poète, assez ravi aussi du bon tour joué au cher directeur.