Page:Daudet - Jack, I.djvu/266

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carrément, en se posant le menton dans la main, prêt à la bataille.

Le vieux Rivals regarda non sans quelque stupeur ce singulier personnage, crasseux, cravaté de blanc, les joues rasées, la tête chauve, et qui, n’ayant de bon qu’un petit coin de l’œil gauche, était obligé, pour tenir son interlocuteur dans un rayon visuel, de se poser de côté, de parler de profil.

— Monsieur est médecin ? demanda-t-il.

D’Argenton évita à son ami la peine de mentir.

— Le docteur Hirsch, le docteur Rivals… dit-il en les présentant l’un à l’autre.

Ils se saluèrent comme deux adversaires sur le terrain, qui croisent leurs regards avant de croiser leurs épées. Le bon Rivals croyant avoir à faire à un fameux praticien de Paris, quelque original de génie, prit d’abord une attitude modeste ; mais il s’aperçut bien vite du désordre de cet esprit plein de fêlures. Alors il éleva la voix, lui aussi, pour répondre au ton persifleur, dédaigneux, du docteur Hirsch, qui commençait à lui chauffer les oreilles, lesquelles, de leur nature, étaient déjà très rouges.

— Mon cher confrère, je me permettrai de vous observer…

— Ah ! pardon, mon cher confrère…

Une vraie scène de Molière, le latin et le charabia compris, avec cette différence qu’au temps de Molière ce type de déclassé comme le docteur Hirsch n’existait