Page:Daudet - Jack, I.djvu/271

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de fleurs. Les enfants de chœur, les chantres avaient des surplis blancs frais repassés ; et devant le lutrin, sur une table rustique, les couronnes du pain bénit s’élevaient en colonnes dorées, offertes à l’admiration des habitants. Pour compléter le tableau, tous les gardes de la forêt en grand costume vert, le couteau de chasse au côté, la carabine au pied, étaient venus se joindre au Te Deum de la fête officielle ; ce qui faisait bien l’affaire des braconniers et des voleurs de bois.

Certes, Ida de Barancy eût été bien étonnée, un an auparavant, si quelqu’un lui avait dit qu’elle s’assiérait un jour dans le chœur d’une église de village, sous le nom de vicomtesse d’Argenton, et qu’en tenue respectable, les yeux baissés sur son livre, elle aurait l’apparence, la considération, le prestige d’une femme mariée.

Ce rôle, nouveau pour elle, l’amusait. Elle surveillait Jack, tournait religieusement les pages de son office, et s’affaissait avec des « frou-frou » de jupe tout à fait édifiants.

À l’offrande, le suisse, armé de sa hallebarde, vint prendre le petit Jack, et se pencha à l’oreille de la mère pour lui demander quelle petite fille il fallait choisir pour tenir la bourse de la quête. Charlotte hésita un moment. Elle ne connaissait à peu près personne dans cette assemblée endimanchée, où les chapeaux à fleurs, les crinolines parisiennes avaient remplacé les coiffes et les sarraux de la semaine. Alors le suisse lui indiqua