Page:Daudet - Jack, I.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est un homme ben charitable, disaient-ils en parlant de lui… Ah ! s’il avait voulu, en voilà un qui serait devenu riche !

Mais tout de même ils s’arrangeaient pour ne pas payer de note, et ce n’était pas difficile avec un caractère comme le sien. Quand il sortait d’une maison, sa consultation finie, il était entouré d’une nuée tenace et bruyante. Jamais souverain en tournée ne vit son carrosse assailli comme l’humble cabriolet du docteur au moment du départ.

— Monsieur Rivals, qu’est-ce qu’il faut que je donne à ma petite ?

— Et mon pauvre homme, monsieur Rivals, n’y a donc rien à faire pour lui ?

— C’est-y pour manger ou pour se frotter, cette poudre que vous m’avez donnée ? Est-ce qui vous en reste encore une pincée ? v’là que je sommes sur la fin.

Le docteur répondait à tout le monde, faisait tirer la langue à l’un, tâtait le pouls à l’autre, distribuait des petits paquets de poudre, donnait du vin de quinquina, tout ce qu’il avait, et s’en allait enfin vidé, tondu, exprimé, au milieu des acclamations, des bénédictions de tout ce brave peuple de la terre qui s’essuyait un œil attendri en s’écriant : « Quel digne homme ! » et clignait l’autre œil malicieusement comme pour dire : « Quel innocent ! » Bien heureux encore si, au dernier moment, quelque petit courrier