Page:Daudet - Jack, I.djvu/296

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— Mais ce n’est pas ce que je dis, fit Charlotte éplorée d’avoir déplu au maître.

— Eh ! non, ce n’est pas ce qu’elle dit… répétèrent les autres ; et, en se sentant soutenue, en voyant qu’on intervenait en sa faveur, la pauvre femme se laissa aller à une faiblesse d’attendrissement, comme ces enfants battus qui n’osent pleurer que quand on les protége. Jack quitta la terrasse brusquement. C’était au-dessus de ses forces de voir pleurer sa mère sans sauter à la gorge de ce méchant homme qui la torturait ainsi.

Les jours suivants, on ne parla plus de rien. Seulement l’enfant crut remarquer un changement dans l’attitude de sa mère avec lui. Elle le regardait, l’embrassait plus souvent qu’autrefois, le retenait près d’elle, lui faisait sentir dans son étreinte ces enlacements passionnés qu’on a pour les êtres qu’on doit quitter bientôt. Cela le troublait d’autant plus, qu’il entendait d’Argenton dire à M. Rivals avec un sourire amer qui soulevait sa grosse moustache :

— Docteur, on s’occupe de votre élève… Un de ces jours il y aura du nouveau… Je crois que vous serez content.

Sur quoi le brave docteur revenait chez lui, enchanté.

— Tu vois, disait-il à sa femme, tu vois que j’ai bien fait de leur ouvrir les yeux.

Madame Rivals secouait la tête :