Page:Daudet - Jack, I.djvu/324

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s’entendit même au milieu de tout ce train de chaudronnerie.

— C’est toi, cadet ?

— Sacrebleu ! oui, c’est moi… Est-ce qu’il y a deux notes comme la mienne sous la calotte des cieux ?

La barque accosta. Les deux frères sautèrent dans les bras l’un de l’autre et se donnèrent une terrible accolade.

Ils se ressemblaient. Mais Roudic était beaucoup plus âgé et manquait de cet embonpoint dont les roulades et les tenues gratifient si vite les acteurs de chant. Au lieu de porter la barbe fourchue de son frère, il était rasé, tanné, et son béret de marin, un béret de laine bleue tout passé, recouvrait une vraie face de Breton, hâlée par la mer et taillée dans le roc, avec de tout petits yeux et un regard très-fin, aiguisé par les travaux minutieux de l’ajustage.

— Et chez toi, comment va-t-on ? demandait Labassindre… Clarisse, Zénaïde, tout le monde ?

— Tout le monde va bien, Dieu merci. Ah ! ah ! voilà notre nouvel apprenti. Il est gentil tout plein, ce petit gars… seulement il n’a pas l’air fort.

— Fort comme un bœuf, mon cher, et garanti par les premiers médecins de Paris.

— Tant mieux, alors, car le métier est rude chez nous. Et maintenant, si vous voulez, allons voir le directeur.