Page:Daudet - Jack, I.djvu/343

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fille, sourde et basse comme celle d’un homme. Madame Roudic, au contraire, avait une voix légère, fluide, que les larmes, en ce moment, cristallisaient encore.

— Eh ! qu’il parte, bon Dieu, qu’il parte, disait-elle, avec plus de passion que ses attitudes ordinaires n’en auraient fait soupçonner.

Alors le ton de Zénaïde, très sévère et très ferme, sembla se radoucir. Puis les deux femmes s’embrassèrent.

Sous la tonnelle, Labassindre chantait maintenant une de ces vieilles romances sentimentales qu’affectionnent les ouvriers :

Vers les rives de Fran-ance
Voguons doucement.

Tous reprenaient en chœur avec un accent traînard :

Voui, Voui,
Voguons en chantant.
Pour nous
Les vents sont si doux.

Jack se sentait dans un monde nouveau où pour réussir tout lui manquerait à jamais. Il avait peur, devinant entre ces gens et lui des distances, des ponts brisés, des abîmes infranchissables. Seule la pensée de sa mère le soutenait, le rassurait.

Sa mère !

Il songeait à elle en regardant le ciel rempli d’étoiles, ces milles piqûres d’or sur le carré bleu de sa vitre.