Page:Daudet - Jack, I.djvu/35

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reluire tout ce clinquant auquel Ida ne résista pas.

Pendant qu’on habillait sa mère, Jack s’en alla dans le boudoir, tout seul, sans lumière.

L’ombre emplissait la pièce coquette, ouatée, encombrée, où le prochain réverbère du boulevard jetait une lueur vague. Tristement, le front appuyé à la vitre, il se mit à penser à cette journée d’émotions ; et peu à peu, sans qu’il pût s’expliquer pourquoi, il se sentit devenir « le pauvre enfant » dont ce prêtre parlait avec tant de commisération.

C’est si singulier de s’entendre plaindre alors qu’on se croit heureux. Il y a donc des malheurs tellement bien cachés que ceux qui en sont la cause ou la victime ne les devinent même pas !

La porte s’ouvrit. Sa mère était prête :

— Entrez, monsieur Jack… et venez voir si c’est beau…

Oh ! quelle charmante folie, rose et argent, toute en satin. Quel joli bruissement de paillons elle agitait au moindre mouvement.

L’enfant regardait, admirait, et la mère toute poudrée légère, vaporeuse, sa marotte à la main, riait à Jack, se riait à elle-même dans sa psyché, sans s’inquiéter autrement de ce qu’elle avait fait au bon Dieu pour être si malheureuse. Puis Constant lui jeta sur les épaules une chaude sortie de bal et l’accompagna jusqu’à la voiture, pendant que Jack, appuyé à la rampe, regardait descendre sur le tapis de l’escalier, vifs et remuants comme