Page:Daudet - Jack, I.djvu/383

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grand train de rires et de bombances. Quoique l’accident de la journée eût un peu refroidi les enthousiasmes, chaque intérieur voulut jouir de la fête préparée. Ce n’était plus l’île du travail, haletante et soufflante et, le soir, si vite endormie. Partout, même dans le sombre château, on entendait des chants, des chocs de verres, derrière les vitres allumées dont les lueurs reflétées au loin se mêlaient dans la Loire aux clartés des étoiles. Chez les Roudic, une longue table réunissait les amis nombreux, toute l’élite de l’atelier. On parla d’abord de l’accident… Les enfants n’étaient pas d’âge à travailler, le directeur avait promis une pension à la veuve… Puis la machine accapara encore toutes les pensées. Cette longue préoccupation de plusieurs mois n’était plus qu’un souvenir maintenant. On se rappelait les différents épisodes, les difficultés du travail. Il fallait entendre Lebescam, le géant velu, raconter les résistances du métal, et le mal qu’ils avaient eu pour l’assouplir à la forge :

— Je m’aperçois que la soudure ne prenait pas… Attention ! que je dis aux camarades… Allons-y, des coups droits. Hue donc, les dévorants, sur moi, et de la vitesse !

Il croyait y être encore. Ses poings fermés retombaient sur la table et la faisaient trembler. Ses yeux flambaient comme si la forge y reflétait son feu. Et les autres hochaient la tête d’un air d’approbation. Jack écoutait aussi avec intérêt, pour la première fois. C’é-