Page:Daudet - Jack, I.djvu/75

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voir Son Altesse Royale. Où était-il ce petit roi de Dahomey dont M. Moronval parlait si éloquemment ? En vacances ? À l’infirmerie ?… Ah ! s’il avait pu le connaître, causer avec lui, devenir son ami.

Il s’était fait dire le nom des huit petits « pays chauds ». Pas le moindre prince ne se trouvait parmi eux. Enfin, il se décida à demander au grand Saïd :

— Est-ce que Son Altesse Royale n’est pas à la pension ?

Là-dessus, le jeune homme à la peau trop courte l’avait regardé avec des yeux étonnés, si largement ouverts qu’il lui était resté un peu de peau pour pouvoir fermer la bouche un moment. Il en avait aussitôt profité, et la question de Jack était demeurée sans réponse.

L’enfant y pensait encore en s’agitant dans son lit, en écoutant la musique ; car, par bouffées, des sons d’orgue venaient de la maison, joints au « creux » de celui qu’on appelait Labassindre. Le tout se mêlait agréablement au bruit de la pompe encore en mouvement, et à ces détentes, ces ruades dont les chevaux du voisin ébranlaient le mur.

Enfin le calme se fit.

On dormait dans le dortoir comme dans l’écurie, et les convives de Moronval, refermant la grille du passage, s’éloignaient dans le bruit roulant et lointain de l’avenue, quand la porte du dortoir s’ouvrit, ouatée par un bourrelet de neige.