Page:Daudet - Jack, I.djvu/78

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— Est-ce que c’est beau, votre pays ?… Est-ce que c’est loin ?… Comment l’appelez-vous ?

— Dahomey, répondit le nègre.

Le petit Jack se dressa sur son lit :

— Oh ! mais alors… mais alors vous le connaissez !… Vous êtes peut-être venu en France avec lui ?

— Qui ?

— Son Altesse Royale… vous savez bien… le petit roi de Dahomey.

— C’est moi, dit le nègre simplement…

L’autre le regardait avec stupéfaction… Un roi ! ce domestique qu’il avait vu toute la journée dans sa défroque de laine rouge, courir la maison, un balai ou un seau à la main, qu’il avait vu servir à table, rincer les verres !

Le négrillon parlait pourtant sérieusement. Son visage avait pris une grande expression de tristesse, et ses yeux fixes semblaient regarder loin, bien loin, vers le passé ou quelque patrie perdue.

Était-ce l’absence du gilet rouge ou la magie de ce mot de roi, mais Jack trouvait au nègre assis au bord de son lit, le cou nu, la chemise entr’ouverte sur sa poitrine sombre où brillait l’amulette d’ivoire, un prestige, une dignité nouvelle.

— Comment ça se fait-il ?… demanda-t-il timidement, en résumant dans cette question tous les étonnements de sa journée.

— Ça se fait… ça se fait… dit le nègre.