Page:Daudet - Jack, II.djvu/11

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de l’intégrité de son refus, que chacun de ses arguments pouvait fournir une arme, elle se tut. Le pire, c’est qu’ils s’aimaient, qu’ils se le disaient en croisant leurs regards, en unissant leurs lèvres, dans les intervalles de ce triste débat. Et c’était horrible ce duo dont l’air et les paroles se ressemblaient si peu.

— Qu’est-ce que je vais devenir ? répétait à chaque instant le misérable. S’il ne payait pas cette dette de jeu, il était déshonoré, perdu, chassé de partout. Il pleurait comme un enfant, roulait sa tête sur les genoux de Clarisse, l’appelait : « Sa tante…, sa petite tante… » Ce n’était plus l’amant qui suppliait, c’était un enfant à qui Roudic avait servi de père et pour qui toute la maison n’avait que des gâteries. Elle pleurait avec lui, la pauvre femme, mais sans vouloir céder. À travers ses larmes, elle continuait à dire : « Non… non… cela ne se peut pas, » en se cramponnant aux mêmes mots comme un noyé à l’épave qu’il a saisie et qu’il serre dans ses mains crispées. Soudain il se leva :

— Tu ne veux pas ?… Alors, c’est bon. Je sais ce qu’il me reste à faire. Adieu, Clarisse. Je ne survivrai pas à ma honte.

Il s’attendait à un cri, à une explosion.

Non.

Elle vint droit à lui :

— Tu veux mourir. Eh bien, moi aussi. J’en ai assez de cette vie de crime, de mensonge, où l’amour