Page:Daudet - Jack, II.djvu/180

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du fardeau, avec cette démarche rhythmée que Jack se souvenait d’avoir vue aux femmes bretonnes transportant l’eau sur leur tête à pleines cruches et voulant concilier la hâte de leur allure et la retenue nécessaire à la charge qu’elles soutiennent.

Il vint un moment pourtant dans la journée où la fatigue fit asseoir les deux enfants au bord d’un petit bois fleuri de bruyères roses, tout crépitant de feuilles sèches…

Et alors ?

Eh bien, non, ils ne se dirent rien. Leur amour n’était pas de ceux qui s’avouent et se formulent aussi vite. Ils laissèrent le soir descendre mystérieusement sur le plus beau rêve qu’ils eussent fait de leur vie, enivrant, rapide, parfumé de nature, et auquel un prompt crépuscule d’automne vint donner tout à coup un charme d’intimité en allumant, de place en place, sur l’horizon, des fenêtres ou des seuils invisibles qui faisaient penser à des retours dans des logis pleins d’êtres aimés. Comme le vent fraîchissait, Cécile voulut absolument mettre au cou de Jack un capuchon de laine qu’elle avait emporté. La douceur du tissu, sa tiédeur, sa senteur de parure soignée… ce fut comme une caresse qui fit pâlir l’amoureux.

— Qu’avez-vous Jack ?… Vous souffrez ?

— Oh ! non, Cécile… Jamais je n’ai été si bien…

Elle lui avait pris la main ; mais quand elle voulut retirer la sienne, il la retint à son tour, et ils restè-