Page:Daudet - Jack, II.djvu/214

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jours… Madame Weber a trouvé qu’il n’était pas juste que je travaille pour tous sans jamais rien gagner pour moi. Elle m’a conseillé de vivre à mon à part… En effet, depuis ce temps-là je gagne le double, je puis soutenir mes parents et mettre quelque argent de côté. C’est à madame Weber que je dois ça. C’est une femme de tête, allez !

Tout en parlant, Bélisaire préparait sa lampe, rangeait sa marchandise, s’occupait du dîner, une superbe salade de pommes de terre assaisonnée de harengs saurs, dans laquelle il piochait depuis trois jours, ce qui était arrivé à faire une marinade d’une fière saveur. Il tira d’une armoire en bois blanc deux assiettes à images, un couvert en étain, un autre en bois, du pain, du vin, une botte de radis, et disposa le tout sur un buffet boiteux, fabriqué comme l’armoire par un menuisier du faubourg. Ce qui n’empêchait pas le camelot d’être aussi fier de son mobilier que de sa chambre, et de dire le buffet, l’armoire, d’une façon absolue, comme s’il eût possédé des meubles-types.

— À présent, nous pouvons nous mettre à table, dit-il en montrant son couvert d’un air triomphant ; un vrai couvert auquel un journal étendu servait de nappe, mettant ses faits divers sous l’assiette de Jack et son bulletin politique entre le pain et les radis. « Ah ! dam, ça ne vaut pas le fameux jambon que vous m’avez offert, là-bas, à la campagne… Dieu de