Page:Daudet - Jack, II.djvu/245

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ou vers Jack enchanté, s’occupant à servir sa mère avec des attentions d’amoureux. Ah ! l’on peut bien dire que les événements de ce monde ressemblent à ces balançoires que les enfants établissent sur une pièce de bois et qui n’élèvent un des joueurs qu’à la condition de faire sentir à l’autre toutes les duretés, toutes les aspérités du sol. Jack montait vers la lumière, tandis que son pauvre compagnon redescendait de tous ses rêves vers l’implacable réalité. Pour commencer, lui qui se trouvait si bien dans son logement, qui en était fier, il allait habiter désormais une espèce de serre-bois ouvert dans le mur de l’escalier, aéré seulement par un vasistas. Il n’y avait pas d’autre chambre libre à l’étage, et Bélisaire, à aucun prix, ne se serait éloigné de madame Weber seulement de quelques marches. Cet être-là s’appelait Bélisaire ; mais il s’appelait aussi Résignation, Bonté, Dévouement, Patience. Il avait ainsi une foule de noms très nobles qu’il ne portait pas, dont il ne se vantait jamais, mais que devinaient peu à peu ceux qui vivaient près de lui.

Leurs invités partis, quand Jack et sa mère restèrent seuls, elle fut très étonnée de le voir débarrasser la table bien vite et poser de gros livres de classe dessus.

— Qu’est-ce que tu vas faire ?

— Tu vois, je travaille.

— À quoi donc ?

— Mais c’est vrai… Tu ne sais pas encore.