Page:Daudet - Jack, II.djvu/291

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Vous savez qu’il a toujours bien aimé son petit gas… Peut-être parviendrez-vous à lui faire desserrer les dents. À nous il ne nous dit jamais un mot… Il n’y a que les enfants qui l’amusent, qui l’intéressent… Mais rapprochons-nous. Il a déjà regardé deux ou trois fois de notre côté. Il se doute bien que nous parlons de lui, et il n’aime pas cela.

Ida, qui était en grande conversation avec M. Mangin, s’arrêta court en voyant Jack près d’elle. Que disait elle donc de si mystérieux ? Un mot du père Roudic le mit tout de suite au courant :

— Ah ! dam ! oui dam ! Un beau parleur, et qui aimait bien la galette de blé noir.

Il comprit qu’il s’agissait de d’Argenton. On avait demandé à Ida des nouvelles de son mari, et heureuse de parler de lui, elle s’était étendue sur ce sujet intéressant. Le talent du poëte, ses luttes artistiques, la haute situation qu’il occupait dans la littérature, les sujets de drames ou de romans qu’il roulait dans sa tête, elle avait tout raconté, tout analysé, pendant que les autres l’écoutaient par politesse, sans rien comprendre. On se sépara en se promettant de se revoir. Jack était enchanté d’avoir rencontré ces braves gens, plus agréables à fréquenter pour sa mère que les Lévêque et les Levindré, et d’une condition sociale un peu au-dessus du couple Bélisaire. Il alla donc chez eux quelquefois avec Ida, et retrouva dans un étroit logement de faubourg les coquillages, les éponges, les hip-