Page:Daudet - Jack, II.djvu/315

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thousiasme avait pris un goût subit pour la science. Le soir, à la veillée, lorsqu’elle avait fini ses travaux d’aiguille, il fallait que Bélisaire lui montrât à lire, lui fît suivre les lettres du bout de son doigt carré qui les cachait en les désignant. Mais si M. Rivals était ravi des progrès de Jack, il l’était bien moins de sa santé. Depuis le commencement de l’automne, l’ancienne toux revenue creusait ses joues, allumait ses yeux d’une flamme aiguë, donnait à sa poignée de main la brûlure d’un feu ardent.

— Je n’aime pas ça, disait le brave homme en considérant son élève avec inquiétude, tu travailles trop, ton esprit est trop monté, trop chauffé… Il faut enrayer, ralentir un peu… Tu as le temps, que diable ! Cécile ne s’en va pas.

Non, certes, elle ne s’en allait pas. Jamais elle n’avait été plus aimante, plus attentive, plus près de lui ; on eût dit qu’elle devinait toutes les tendresses perdues, la part de bonheur tardive que ce déshérité devait trouver en elle. Et c’est justement cela qui aiguillonnait l’ami Jack, lui donnait une ardeur au travail que rien ne pouvait modérer. Quoi qu’il fît, en prenant sur sa nuit, des journées de dix-sept heures, il ne sentait pas sa fatigue ; et dans l’état d’excitation qui centuplait ses forces, le balancier de l’usine Eyssendeck ne pesait pas plus à ses mains que sa plume.

Les ressources du corps humain sont inépuisables. Jack, en traitant le sien à force de veilles excitantes et