Page:Daudet - Jack, II.djvu/40

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sarde. Il ne voyait pas luire au-dessus de lui la vitre de sa lucarne, toute bleue d’espace ; et le pâlissement de l’aube lui arrivait de deux hautes fenêtres qui coupaient la clarté en une multitude de taches blanches sur le mur. Où était-il ? Dans un coin, pas loin de son grabat, s’entrecroisaient des cordes, des poulies, de gros poids. Soudain le bruit effrayant qui l’avait réveillé tout à l’heure recommença. C’était comme un grincement de chaîne qui se déroulait, puis la sonnerie profonde d’une grosse horloge. Cette horloge, il la connaissait. Depuis deux ans bientôt, elle réglait l’emploi de tout son temps, lui arrivait avec le vent d’hiver, la chaleur de l’été, quand il s’endormait le soir dans sa petite chambre d’apprenti, et cognait, le matin, de ses notes lourdes au carreau mouillé de sa lucarne en lui disant : « Lève-toi. »

Il était donc à Indret. Oui, mais d’habitude cette voix de l’heure venait de plus haut, de plus loin. Il fallait qu’il eût la tête bien fatiguée pour que les bruits y résonnassent si fort, avec ces vibrations persistantes. À moins qu’il ne fût dans la tour même de l’horloge, dans cette chambre haute qu’à Indret l’on appelait le « séquestre » et où l’on enfermait quelquefois les apprentis indisciplinés. C’est là qu’il était, effectivement. Pourquoi ?… Qu’est-ce qu’il avait fait ?…

Alors le faible rayon de jour qui se glissait dans la pièce et lui en découvrait peu à peu l’aspect, pénétra aussi dans sa mémoire et en éclaira successivement