Page:Daudet - Jack, II.djvu/75

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bourser ; il restera quatre mille francs qu’on m’a dit d’employer de mon mieux pour les intérêts de l’enfant.

— L’emploi est tout trouvé… Il faut lui payer avec cela une cellule à la maison paternelle de Mettray pendant deux ou trois ans. C’est là seulement qu’on parviendra peut-être de faire du voleur un honnête homme.

Elle tressaillit à ce mot de voleur qui la rappelait à la réalité. On sait que dans cette pauvre petite cervelle les impressions fugitives sans cesse renaissantes effaçaient en une seconde jusqu’à la trace d’une idée.

Elle baissa la tête :

— Je suis prête à faire tout ce que tu voudras, dit-elle… Tu as été si bon, si généreux ! Je ne l’oublierai jamais.

Sous sa grosse moustache, la bouche du poëte eut un frétillement de plaisir et d’orgueil. Il était plus que jamais le maître. Il en profita pour faire un long discours. Elle avait de grands reproches à s’adresser. Sa faiblesse maternelle n’était pas étrangère à ce qui arrivait. Un enfant, gâté comme le sien, toujours livré à ses mauvais instincts, ne pouvait manquer de devenir pernicieux. Il fallait une main d’homme désormais pour conduire ce cheval rétif. Qu’on le lui confiât seulement, il se chargeait bien de le mettre au pas.

Il répéta deux ou trois fois de suite :

— Je le briserai, ou je le materai.

Elle ne répondait pas. Le bonheur de penser que