Page:Daudet - Jack, II.djvu/78

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répression. Le régime adopté est l’isolement absolu. Les enfants sont mis en cellule et ne se voient jamais entre eux, même à la chapelle. » Le cœur serré, elle ferma le livre, et se tint à la fenêtre, guettant le retour du poëte, l’arrivée de l’enfant, les yeux fixés sur un petit coin de Loire qu’elle entrevoyait là-bas au bout de la ruelle, agitée comme une mer, et tout éclaboussée de l’eau qui tombait.

Pendant ce temps, d’Argenton s’en allait accomplir sa mission, et bien content de l’accomplir. Il n’aurait pas cédé sa place pour beaucoup d’argent. Lui qui aimait les attitudes, il en avait à prendre, et plusieurs, et toutes superbes. D’avance il préparait le discours à adresser au criminel, les excuses qu’il lui ferait faire à genoux dans le cabinet du directeur. Pour le moment, toutes ces poses préméditées se résumaient en un port de tête majestueux, un air grave et de circonstance, pendant que, vêtu de sombre, ganté de noir, il montait, tout en tenant son parapluie haut et ferme, la grande rue d’Indret déserte à cette heure à cause du mauvais temps et des vêpres.

Une vieille femme lui indiqua la maison des Roudic. Il passa devant l’usine silencieuse, au repos, rafraîchissant avec délices ses toits enfumés et noircis. Mais, arrivé devant la maison qu’on venait de lui désigner, il s’arrêta hésitant, craignant de s’être trompé. De toutes les maisons alignées dans cette rue-caserne, celle-ci était la plus gaie, la plus animée.