Page:Daudet - Jack, II.djvu/80

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Pour le coup, voilà qui était trop fort !… Très intrigué, le poëte poussa la porte, et, au milieu de la poussière que soulevait cette danse folle, la première personne qu’il aperçut, ce fut Jack, le voleur, le futur colon, sautant avec sept ou huit jeunes filles parmi lesquelles une grosse boulotte, joyeuse et rouge, qui entraînait de toute sa force dans l’animation de la ronde, un joli brigadier aux douanes. Acculé au mur, poursuivi dans tous les coins, un brave homme à cheveux gris, heureux, épanoui, amusé de toute cette joie, essayait de la faire partager à une longue jeune femme pâle qui souriait tristement.

Ce qui s’était passé ?

Voici :

Le lendemain du jour où il avait écrit à la mère de Jack, le directeur d’Indret avait vu entrer chez lui madame Roudic, émue, agitée. Sans prendre garde au froid accueil qu’on lui faisait, sa honte l’ayant dès longtemps habituée au mépris tacite des honnêtes gens, elle refusa la chaise qu’on lui offrait, et toute droite, avec une assurance étonnante pour elle :

— Je viens vous dire, monsieur, que l’apprenti n’est pas coupable. Ce n’est pas lui qui a volé la dot de ma belle-fille.

Le directeur eut un soubresaut sur son fauteuil :

— Pourtant, madame, les preuves sont là.

— Quelles preuves ? La plus accablante de toutes, c’est que mon mari étant absent, Jack restait seul a-