Page:Daudet - Jack, II.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mourir est ce qu’il y a de plus facile. Ce que je fais est bien autrement douloureux, allez !

Elle avait un élan farouche en parlant de la mort. Elle la regardait, l’appelait avec ivresse, comme elle n’avait jamais regardé, appelé son amant.

— Si votre mort pouvait réparer la faute, reprit le directeur gravement ; si elle pouvait servir à ravoir la dot de cette pauvre enfant, je comprendrais que vous vouliez mourir… Mais ici, il n’y a réellement que vous qu’un suicide tirerait d’affaire. La situation resterait la même, aggravée et plus sombre, voilà tout.

— Que faire, alors ? dit-elle avec abattement ; et, dans son incertitude, elle redevenait l’ancienne Clarisse, un long corps frêle secoué par un combat trop fort pour lui.

— Avant tout, il faut sauver ce qu’on pourra de cet argent. Il en reste peut-être encore.

Clarisse secoua la tête. Elle le connaissait ce terrible joueur. Elle savait comment il s’était emparé de l’argent, qu’il avait presque marché sur elle pour courir à cette cassette, et qu’il avait dû jouer et perdre jusqu’au dernier sou.

Le directeur avait sonné. Un surveillant entra, l’ancien gendarme, ennemi spécial de Bélisaire.

— Vous allez partir pour Saint-Nazaire, lui commanda son chef. Vous direz au Nantais que j’ai besoin de lui tout de suite. Vous l’attendrez même pour plus de sûreté.