Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/103

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prédicateur de profession. Les pasteurs ne manquaient pourtant pas à l’hôtel de la Jungfrau, ni les étudiants en théologie de Lausanne et de Genève ; mais ces messieurs, presque tous membres du Club alpin, ne s’occupaient guère que d’ascensions. On les voyait défiler le matin sur la montée, avec des piolets, des cordes, des guides ; puis le soir ils se reposaient en jouant aux échecs, lisant les journaux, et même les plus jeunes dansaient au piano ou chantaient des chansonnettes comiques.

« Et ce sont nos prêtres ! » disaient les vieilles mômières indignées, secouant leurs cheveux fades ou les coques de leurs bonnets revêches. Ah ! si on les chargeait de répandre l’Évangile, elles y mettraient une autre ardeur, une foi communicative à embraser le monde. Ce rêve de l’apostolat de la femme revenait dans toutes leurs discussions. Et pourquoi pas des femmes prêtres, comme il y avait des femmes bacheliers, des femmes médecins ? Le fait est qu’on aurait pu les prendre toutes pour de vieux clergymen ; avec leurs teints échauffés ou blafards, ces plates robes noires où rien de leur sexe n’apparaissait.