Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/164

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Droite et calme, ramenant d’une main sa pèlerine contre sa taille, de l’autre tenant entr’ouvert un petit cantique, elle continuait à prêcher le déliement des affections et des biens terrestres, et terminait par une citation de l’Écriture : « En vérité, je vous le dis, il n’y a personne qui ait quitté sa maison, son père, sa mère, sa femme, ses enfants, pour l’amour de moi et de l’Évangile, qui n’en reçoive cent fois autant. »

L’orgue et les chants respirent, rafraîchissants à entendre dans cette suspension de l’atmosphère où il y avait comme un étirement, une fatigue de ce long discours désolé. Un des militaires se leva et sortit. Ça l’ennuyait. Et puis il faisait chaud sous ce vitrage. « Ils devraient baisser le gaz… » disait tout bas la grosse Mme Ebsen. Et Lina, croyant lui répondre : « Si… Si… C’est dans la Bible… » fit-elle vivement, comme irritée.

Tout à coup une voix d’enfant glapit sur l’estrade, avec l’intonation faubourienne à lèvres tordues des marchands de contremarques. C’était le jeune Nicolas des écoles de Port-Sauveur. Quinze ans, les joues creuses, un teint de fabrique sous des cheveux plats et luisants, il