Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/176

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imprégner les murs, les tapis, d’une odeur d’encens et de dévotion. Il y avait là, derrière ce luxe et ce calme, une grande douleur de femme, un drame de ménage qu’Éline connaissait bien ; car les jeunes filles dans sa position sociale sont vite initiées aux réalités tristes de l’existence. Mariée depuis quelques années à un homme qu’elle aimait profondément, la comtesse recevant un jour la visite de noces d’une nièce, orpheline, élevée chez elle, par elle, acquérait la preuve, – et quelle preuve, cynique, brutale, une étreinte à pleins bras, à pleine bouche, surprise entre deux portes, – que cette jeune femme avait été, était encore la maîtresse de son mari.

À cause du monde, d’un grand nom toujours respecté, et surtout pour sa fille dont elle ne voulait pas faire l’enfant d’une femme séparée, Mme d’Arlot évita tout éclat, garda les apparences d’un intérieur uni, les politesses, les égards qu’on se doit entre ennemis forcés de vivre côte à côte. Mais elle n’oublia jamais, ne pardonna pas, s’abîma dans un catholicisme passionné, maladif, laissant livrée à des gouvernantes l’enfant qui déjà devinait bien des choses