Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/243

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ressemblait bien à l’écriture de sa fille… Oui, ces folles de là-bas qui lui avaient tenu la main et dicté ces phrases monstrueuses dont elle ne pensait pas un mot… D’où venait-elle, cette lettre ? Le timbre de Petit-Port, parbleu !… Éline était encore là, et sa mère n’aurait qu’à accourir pour changer cette horrible résolution… C’est égal, en voilà une méchanceté de vouloir lui enlever son enfant, sa Linette atorée… Elle en faisait donc un commerce, cette Mme Autheman, de déchirer les cœurs… On allait bien voir ça, par exemple !

Toutes ces idées jaillies à haute voix, ou traduites seulement d’un geste de colère, lui venaient en faisant ses apprêts de départ, recoiffée en hâte, la figure à peine rafraîchie des larmes de sa veille. Son billet pris, assise dans le wagon, elle se calma un peu et considéra de sang-froid l’enveloppement traître et progressif autour de sa fille, depuis la première visite d’Anne de Beuil, dont elle se rappelait les investigations curieuses sur le monde qu’elles connaissaient à Paris, – pour s’assurer sans doute que l’on pouvait manœuvrer impunément, – jusqu’à la réunion des Ternes, sa fille sur l’estrade à côté de