Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/25

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la fin de l’Empire, Lorie-Dufresne avait dû à son éloignement d’être maintenu sous le nouveau régime. Sans convictions bien solides du reste, comme la plupart de nos fonctionnaires, et tout disposé à donner à la République les mêmes preuves de zèle qu’à l’Empire, pourvu qu’on lui conservât son poste. La vie à bon marché dans un pays admirable, un palais pour sous-préfecture avec des jardins d’orangers et de bananiers en terrasse sur la mer, à ses ordres un peuple de chaouchs, des spahis dont les longs manteaux rouges s’envolaient sur un geste, ouverts et allumés comme des ailes de flamants, chevaux de selle et de trait fournis par l’État à cause des grandes distances à parcourir, voyons, tout cela valait bien quelques sacrifices d’opinion.

Maintenu le Seize-Mai, Lorie ne vit sa position menacée qu’après le départ de Mac-Mahon ; mais il échappa encore, grâce à son nouveau préfet, M. Chemineau. Ce Chemineau, un ancien avoué de Bourges, futé et froid, très souple, de dix ans plus vieux que lui, avait été pour Lorie-Dufresne, alors conseiller de préfecture, ce type idéal que les jeunes gens adoptent en commençant la vie et sur lequel ils se façonnent presque à leur insu, à l’âge