Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/285

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« Cette pauvre de Lostande !… Encore une qui n’est pas heureuse… » reprit Déborah qui dans son désespoir aimait à remuer la tristesse… « Tu as su la mort de son mari, cette chute de cheval, aux grandes manœuvres ?… Elle n’a pu s’en consoler… seulement elle, pour oublier, elle a ses piqûres… oui, elle est devenue… Comment dit-on ?… Morphinomane… Toute une société comme ça… Quand elles se réunissent, chacune de ces dames apporte son petit étui d’argent, avec l’aiguille, le poison… et puis crac ! sur le bras, dans la jambe… Ça n’endort pas ; mais on est bien… Malheureusement l’effet s’use chaque fois, et il faut augmenter la dose.

– Comme moi, mes prières… » murmura Léonie, et tout à coup avec une intonation déchirante : « Non, vois-tu, il n’y a que d’être aimée qui compte… Ah ! si mon mari avait voulu… »

Elle s’arrêta, presque aussi stupéfaite que son amie de ce cri de détresse, de cet intime aveu qui l’obligeait à mettre, une minute, sa main devant ses yeux.

« Chère belle !… » fit Déborah d’un geste affectueux qu’immobilisa tout de suite l’enduit de ses