Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/300

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regardait son ennui, le vide navrant de ses journées que les offices religieux ne suffisaient plus à remplir, ni la course aux prêches célèbres, ni les longues stations désheurées sur les tapis de Sainte-Clotilde. Son enfant était là pour la garder d’une faute ; mais ne pas faire le mal, est-ce assez dans la vie ?… « Ah ! Raverand a raison… Je suis implacable… »

Elle l’était moins pourtant depuis quelques heures, comme si ces larmes de mère l’avaient attendrie, humanisée à leur chaleur vivante ; en tout cas le drame des Ebsen l’agitait, la tirait de cette torpeur mystique où elle n’entrevoyait comme but et délivrance que la mort. « Monsieur le comte est au salon avec Mademoiselle… »

Pour la première fois depuis longtemps, le salon de l’hôtel était allumé, et devant le piano droit grand ouvert la petite fille, haut assise et surveillée par le profil moutonnier de sa vieille institutrice, jouait un morceau d’étude. M. le comte regardait les petits doigts de son enfant s’écarteler sur les touches, approuvait en mesure, toute cette scène intime prise dans le cercle lumineux d’une grosse lampe à abat-jour.