Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/162

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quée de piédestaux et de hauts trépieds funéraires en bronze noir, comme vernissé. Au-dessus de l’entrée, les armes des Rosen dans un grand cartouche, de bronze encore, qui suspendait ainsi, devant sa tente, l’écu du bon chevalier endormi.

La grille franchie, les couronnes posées un peu partout, aux deux piédestaux, sur les bornes inclinées faisant comme d’énormes piquets de tente au ras du soubassement, la princesse vint s’agenouiller tout au fond dans l’ombre de l’autel, où luisaient les franges d’argent de deux prie-Dieu, le vieil or d’une croix gothique et de chandeliers massifs. Il faisait bon, là, pour prier dans la fraîcheur des dalles et ces revêtements de marbre noir où le nom du prince Herbert étincelait avec tous ses titres, en face de versets de l’Ecclésiaste et du Cantique des cantiques. Mais rien ne venait à la princesse que des mots, un marmottement, distrait d’idées profanes qui lui faisaient honte. Elle se levait, s’agitait autour des jardinières, s’éloignait à point pour juger de l’effet du lit en sarcophage. Déjà était posé le coussinet de bronze noir chiffré d’argent ; et elle trouvait cela simple et beau, cette dure couche sans rien dessus. Pourtant, il fallait consulter M. Paul dont on entendait les pas d’attente sur le gravier du jardinet, et tout en approuvant sa discrétion, elle allait l’appeler