Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/174

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sin, que, lors de son élection, le vieux Dufaure l’avait laissé venir dix fois sans le recevoir. Eh bien ! le maître s’est entêté et, à la onzième visite, la porte s’ouvrait toute grande. Il faut vouloir. « Je fais en ce moment le métier le plus bas et le plus ennuyeux, je sollicite pour l’Académie,… » dit Mérimée dans sa correspondance, et quand des hommes de cette valeur nous ont donné l’exemple de la platitude, aurions-nous bien le droit de nous montrer plus fiers qu’eux !

En réalité, si Ripault-Babin ou Loisillon mouraient, — tous deux sont en danger, mais c’est Ripault-Babin qui m’inspire encore le plus de confiance, — mon seul concurrent sérieux serait Dalzon. Du talent, de la fortune, très bien avec les ducs, une cave excellente ; il n’a contre lui qu’un péché de jeunesse récemment découvert, Toute Nue, plaquette en six cents vers, publiés à Éropolis, sans nom d’auteur, et d’un raide ! On prétend qu’il a tout racheté, mis au pilon, mais qu’il circule encore quelques exemplaires signés et dédicacés. Le pauvre Dalzon proteste, se débat comme un diable, et l’Académie se réserve, jusqu’au bout de son enquête ; c’est pourquoi mon bon maître, sans préciser davantage, me déclarait gravement, l’autre soir : « Je ne voterai plus pour M. Dalzon. » L’Académie est un salon, voilà ce qu’il faut comprendre avant tout. On n’y peut en-