Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/213

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se coudoyer sans qu’il s’en dégage une étincelle.

En bas, dans la cohue des valets de pied et des jeunes clubmans, Léonard Astier attendait pour prendre sa femme, selon sa promesse. « Ah ! voilà le maître, » s’exclama Mme Ancelin, et, trempant une dernière fois ses doigts dans l’eau bénite, elle en aspergeait tout le monde, le maître Astier-Réhu, le maître Danjou, et ce Coquelin, et ce Delaunay… Oh !… Ah !… Léonard ne répondait pas, suivait, sa femme au bras, son collet brutalement relevé à cause du grand courant d’air. Il pleuvait dehors. Mme Ancelin proposa de les reconduire, mais sans empressement, comme font les gens à voitures craignant de fatiguer leurs chevaux, redoutant surtout la mauvaise humeur de leur cocher, lequel est uniformément le premier cocher de Paris. D’ailleurs le maître avait un fiacre ; il coupa court aux affabilités de la dame qui ramageait : « Oui, oui, on vous connaît… pour être tous deux seuls… Ah ! l’heureux ménage… » et par les galeries tout éclaboussées d’eau, il entraîna Mme Astier.

À la fin des bals, des soirées, quand un couple mondain part en voiture, on est toujours tenté de se demander : « Maintenant que vont-ils se dire ? » Pas grand’chose, la plupart du temps ; car l’homme sort généralement assommé, courbaturé, de ces sortes de fêtes que la femme prolonge dans le noir