Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/236

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le docteur, qui répondait négligemment, avec une nuance de dédain bien amusante, très vexé au fond, touché dans la peau de son client. Paul, les yeux au mur, combinait… D’Athis serait parti, Colette mariée, avant qu’il put seulement se lever… Allons, l’affaire était manquée, il fallait en trouver une autre !

La porte ouverte remplit le bouge d’un grand flot de lumière. Oh ! la vie, le chaud soleil… Védrine rentrant avec Freydet s’approcha du lit, la main joyeusement tendue : « Tu nous as fait une belle peur ! » Il aimait réellement sa petite fripouille, y tenait comme à un objet d’art. « Oui, bien peur… » disait le vicomte s’essuyant le front, l’air prodigieusement soulagé. Tout à l’heure, c’était son élection, ses espérances académiques qu’il avait vues par terre, dans tout ce sang. Jamais le père Astier n’aurait voulu faire campagne pour un homme mêlé à une telle catastrophe ! Un brave cœur pourtant, ce Freydet, mais l’idée fixe de sa candidature l’aimantait comme une aiguille de boussole ; secoué, remué dans tous les sens, il revenait toujours au pôle académique. Et tandis que le blessé souriait à ses amis, un peu penaud tout de même de se voir étendu sur le flanc, lui, le malin, le fort, Freydet ne cessait de s’extasier sur la correction des témoins avec qui l’on venait de s’entendre pour le procès-