Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/26

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parlait d’une grosse affaire en train, un mariage dont on l’avait chargée.

À ce mot de mariage, il tressaillit, la regarda de côté : « Qui donc ? » Elle avait juré de ne rien dire encore, mais à lui : « … le prince d’Athis.

— Samy !… Et avec ? »

Elle aussi mit de profil son petit nez de ruse :

« Tu ne la connais pas… Une étrangère… très riche… Si je réussis, je pourrai t’aider… conditions faites, engagement par lettres… »

Il souriait, complétement rassuré :

« Et la duchesse ?

— Elle ne sait rien, tu penses !

— Son Samy, son prince, une liaison de quinze ans ! »

Madame Astier eut un geste atroce d’indifférence de femme pour une autre femme :

« Ah ! tant pis. Elle a l’âge…

— Quel âge donc ?

— Elle est de 1827. Nous sommes en 80… Ainsi, compte. Juste un an de plus que moi.

— La duchesse ! » fit Paul stupéfait. Et la mère riant :

« Eh oui ! malhonnête… Qu’est-ce qui t’étonne ? Tu la croyais, je suis sûre, vingt ans plus jeune… Mais c’est donc vrai que le plus roué de vous n’y connaît rien… Enfin, tu comprends, ce pauvre prince ne pouvait pas traîner ce licou toute sa vie,