Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/265

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calèche, deux grands breaks déposaient au perron de la cour d’honneur où retentissaient les coups de timbres, d’illustres habitués de la rue de Poitiers, académiciens et diplomates, le comte et la comtesse de Foder, les Brétigny comte et vicomte, celui-ci secrétaire d’ambassade, M. et Mme Desminières, le philosophe Laniboire venant écrire au château son rapport sur les prix de vertu, le jeune critique de Shelley très poussé par le salon Padovani, et Danjou, le beau Danjou, tout seul, sans sa femme, invitée cependant, mais qui l’eût gêné pour les projets qu’il roulait sous les frisures d’un breton tout neuf. Aussitôt l’existence s’organisa comme aux années précédentes. Le matin, les visites ou le travail dans les chambres, les repas, la réunion, les siestes ; puis, la chaleur tombée, de grandes courses en voiture à travers bois, ou sur le fleuve dans la légère flottille amarrée au bout du parc. On lunchait dans une île, on allait en partie relever les verveux toujours garnis et frétillants, le garde-pêche ayant soin la veille de chaque expédition de les charger à pleins filets. En rentrant, la toilette pour le dîner en grand apparat, après lequel les hommes ayant fumé au billard ou dans la galerie venaient au merveilleux salon qui fut l’ancienne « salle du conseil » de Catherine de Médicis.

Des tapisseries y déployaient tout du long les