Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/327

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— Alors, monsieur Danjou, il ne me restait plus qu’à porter plainte… c’est ce que j’ai fait… » Et comme ils protestaient tous, déclarant qu’un procès pareil était impossible, qu’il ridiculiserait la Compagnie : « Désespéré, vraiment, mes chers collègues ; mais ma décision est irrévocable… D’ailleurs l’homme est en prison, et l’instruction commencée… »

De rugissements pareils à ceux qui accueillirent cette déclaration, jamais la salle des séances privées n’en avait entendu ; et comme toujours, entre les plus furieux, se signalait Laniboire, vociférant que l’Académie devrait se débarrasser d’un membre aussi dangereux. Dans un premier coup de colère, quelques-uns examinaient tout haut la proposition. Était-ce faisable ? L’Académie, compromise par un des siens, pouvait-elle lui dire : « Allez-vous-en, je me déjuge… immortel, je vous rejette au commun des mortels. »

Tout à coup, soit qu’il eût saisi quelques mots du débat, ou par une de ces curieuses divinations dont s’élucident parfois les surdités les plus hermétiques, le vieux Réhu qui se tenait à l’écart et loin du feu, crainte d’une attaque, proféra de sa forte voix sans diapason : « Sous la Restauration, pour des motifs de simple politique, nous éliminâmes jusqu’à onze membres !… » L’ancêtre eut son mouvement de tête certificatif qui prenait à