Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/349

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la fenêtre, arrondissait des périodes et de beaux gestes gantés de noir. Et voici que de la maison en face, on s’y méprenait, une lugubre masure dartreuse et sombre, suant les immondes et honteux métiers qu’elle abritait… Une main grasse au bras nu écartait un rideau rose, esquissait une invitation équivoque… « Oh ! ce Paris !… » Le front du récipiendaire s’en couvrit d’une rougeur de honte. Il s’éloigna vivement de la croisée, se réfugia dans le couloir.

« C’est le ministère qui parle à cette heure… » lui chuchota le planton, pendant qu’une voix faussement indignée clamait dans l’atmosphère surchauffée de la salle : « … Vous avez abusé de l’innocente passion d’un vieillard… »

Freydet pensa tout haut : « Eh ! bien… Et moi ?…

— Faut croire qu’ils vous ont oublié…

— Toujours, donc ! » se dit tristement le pauvre diable.

Une formidable explosion de fou rire accueillait à cette minute le déballage de la fausse collection Mesnil-Case : lettres de rois, de papes, d’impératrices, Turenne, Buffon, Montaigne, La Boëtie, Clémence Isaure, et à chaque nouveau nom de cette énumération fantastique, montrant l’énorme candeur de l’historien officiel, tout l’Institut berné par ce petit gnome, la joie de la foule