Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/151

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la galerie de tableaux, des courses au Tattersall avec Bois-Landry, un bibelot à aller voir, ici ou là, chez des amateurs désignés par Schwalbach, des heures passées avec les entraîneurs, les jockeys, les marchands de curiosités, l’existence encombrée et multiple d’un bourgeois gentilhomme du Paris moderne. Il gagnait à tous ces frottements de se parisianiser un peu plus chaque jour, reçu au cercle de Monpavon, au foyer de la danse, dans les coulisses de théâtre, et présidant toujours ses fameux déjeuners de garçon, les seules réceptions possibles dans son intérieur. Son existence était réellement très remplie, et encore, de Géry le déchargeait-il de la plus grande corvée, le département si compliqué des demandes et des secours.

Maintenant, le jeune homme assistait à sa place à toutes les inventions audacieuses et burlesques, à toutes les combinaisons héroï-comiques de cette mendicité de grande ville, organisée comme un ministère, innombrable comme une armée, abonnée aux journaux, et sachant son Bottin par cœur. Il recevait la dame blonde hardie, jeune et déjà fanée, qui ne demande que cent louis, avec la menace de se jeter à l’eau tout de suite en sortant, si on ne les lui donne pas, et la grosse matrone, l’air avenant, sans façon, qui dit en entrant : « Monsieur vous ne me connaissez pas… Je n’ai pas l’honneur de vous connaître non plus ; mais nous aurons fait vite connaissance. Veuillez vous asseoir et causons. » Le commerçant aux abois, à la veille de la faillite — c’est quelquefois vrai — qui vient supplier qu’on lui sauve l’honneur, un pistolet tout prêt pour le suicide, bossuant la poche de son paletot — quelquefois, ce n’est que l’étui de sa pipe. Et souvent de vraies détresses, fatigantes et prolixes, de gens qui ne savent