Page:Daudet - Le Roman du chaperon rouge, Lévy, 1862.djvu/169

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ces pétitionnaires, il nous laisse le soin de juger qui sera le plus digne de l’occuper. Remarquez, je vous prie, que votre état est le plus doux du monde, comme il est dit chez le docteur Erasme, et qu’un cabanon est la plus jolie retraite pour un homme d’esprit ; à preuve il signor Torquato Tasso qui voulut y finir ses jours. Ici l’on vit isolé du monde, de ses embûches, de ses tentations : pas de femmes ! point de journaux ! point de politique ! pas d’abus ! Sans travail et sans fatigue, on est toujours assuré du pain et du beurre quotidiens ; on ne tient nul compte du qu’en pensera-t-on et des absurdes convenances de la vie. Si nous rions des lubies de nos voisins, c’est toujours en cachette, et nous nous prêtons à leurs jeux très-sérieusement et de bon cœur. Chez nous, toutes les fantaisies ont droit d’asile et de respect ; faire à sa guise, voilà la loi de notre maison. Des hommes éclairés vous entourent et sont là pour empêcher tout accident dans l’accomplissement de vos fantaisies : jetez-vous par les croisées, vous tombez dans les bras moelleux d’un gardien ; plongez dans le grand bassin, on vous repêche sur le coup ; si le désir vous vient de vous pendre un peu, quelqu’un est toujours là pour délier la corde ; toutes choses qu’on ne fait pas dans l’autre monde. Pour finir, nous sommes très-heureux.

voix et trépignements dans la foule.

Très-heureux, très-heureux ! — Bravo l’orateur ! —