Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/172

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Il y avait aussi la vieille mère Pilar, « le chinge », comme elle s’appelait elle-même dans son charabia franco-espagnol, vraie macaque à peau déteinte et râpeuse, d’une malice féroce sur des traits grimaçants, coiffée en garçon, les cheveux gris au ras de l’oreille, et sur sa robe de vieux satin noir un grand col bleu de maître-timonier.

— Et puis M. Bichito… dit Rosa, achevant de présenter ses convives et montrant à Gaussin un tampon d’ouate rose où le caméléon grelottait sur la nappe.

— Eh bien, et moi, on ne me présente pas ? réclama sur un ton de jovialité forcée un grand garçon à moustaches grisonnantes, de tenue correcte, même un peu raide, dans son veston clair et son col montant.

— C’est vrai… Et Tatave ? dirent les femmes en riant.

La maîtresse de maison lâcha son nom avec négligence.

Tatave, c’était de Potter, le savant musicien, l’auteur acclamé de Claudia, de Savonarole ; et Jean, qui n’avait fait que l’entrevoir chez Déchelette, s’étonnait de trouver au grand artiste des allures si peu géniales, ce masque